mardi 14 août 2018

motricité fine

Motricité fine, c'est le mot employé par les spécialistes. Il s'agit d'exercer la motricité fine des enfants en les faisant s'exercer à l'écriture manuscrite.

Je suis d'une génération qui a connu une vie avant l'ordinateur. J'écrivais beaucoup à la main, à l'école, à l'université (on gratte beaucoup en droit ! je me souviens que sur tout un amphi, seul un type avait un ordinateur portable à l'époque, il apparaissait comme une sorte de mutant... qui devait rester à proximité immédiate d'une prise d'ailleurs), puis au boulot.

Ensuite, après m'être mise à l'ordinateur dans les années 90, d'abord au travail puis à la maison, j'en suis venue à ne plus du tout écrire à la main.
J'envoyais des courriers postaux à des gens (avant que n'existent les mails), même des proches, tapés sur le micro, ça n'avait pas beaucoup du charme des vieilles lettres à l'ancienne...
Mais je me suis aperçue dans les années 2000 que je n'arrivais plus à écrire. Littéralement. J'avais mal à la main et dans les doigts si j'écrivais avec un stylo ! Le fait de ne plus utiliser les muscles qui entrent en jeu dans cette motricité fine les avait littéralement atrophiés, je suppose. Je me souviens avoir été prise de crampes, ne pas avoir reconnu mon écriture, qui est certes changeante et peut prendre plusieurs aspects selon la place dont je dispose : penchée à droite et grande si j'ai de la place, écriture bâton si j'ai peu de place, etc.
Il y avait même des lettres que je m'étais tellement habituée à écrire de façon très simplifiée que je ne me souvenais plus de quelle façon je les avais apprises à l'école ! J'ai acheté l'an dernier un livre pour enfants et j'ai pu redécouvrir la graphie de certaines lettres que j'avais oubliée. J'avais par exemple des difficultés, en cursive, pour former un f (j'ai tendance à l'écrire en script), et plus encore, j'avais totalement oublié comment s'écrivaient certaines majuscules, les compliquées comme le h, le k, etc. On n'utilise plus ces majuscules en cursive, qu'on forme en script le plus souvent.

Toujours est-il qu'en revenant à l'écriture plus fréquemment et plus régulièrement, j'ai de nouveau pu exercer ces muscles qui avaient perdu de leur force. Il y a le postcrossing, le bullet journal et divers autres écrits, je tiens des cahiers pour beaucoup de choses, et aujourd'hui écrire à la main ne me fait plus mal, mais je n'arrive pas à croire que j'avais pu perdre à ce point cette compétence. C'est très triste de l'imaginer et de penser que des enfants puissent ne parvenir à écrire qu'au moyen d'un clavier. L'écriture est un muscle qui doit s'entretenir. C'est agréable d’utiliser ces muscles, il y a même une volupté là-dedans. Il y a une intelligence de l'écriture manuscrite, quand la pensée se met en place en même temps ou juste avant que ne se forme les lettres, c'est comme un petit jeu entre le cerveau et la main, et à qui ira le plus vite parfois ! Il arrive que les écrits vous échappent, comme un personnage de roman échappe à son auteur.

J'ai réalisé aussi que vouloir tout conserver sur un micro est une bêtise, j'ai perdu beaucoup de données avec des micros tombés définitivement en panne, il y a bien disques durs externes, clouds et autres clés usb mais finalement un bon vieux cahier, c'est très bien et souvent plus facile à trouver vite en cas de besoin. On y voit la vie, les erreurs, les ratures, les ajouts, il y a tout un sous-texte qui parle et renvoie à la fois de l'émotion et des informations.

Je ne vais pas non plus faire ma réactionnaire et parler du bon vieux temps, mais c'est un équilibre à trouver.
C'est comme pour une imprimante, j'ai essayé de m'en passer, mais, désolée pour la planète, il y a des moments où c'est nécessaire, et parfois plus facile de lire un texte imprimé que sur un écran, aussi bon soit il. Et quel plaisir de saloper ce texte, le surligner, l'annoter, le barrer, lui adjoindre des parenthèses et autres flèches.
A quoi on ajoutera le plaisir des stylos, feutres, crayons, jamais le choix n'a été aussi grand, jamais les outils parfois même très techniques, des outils de professionnels, mis à la disposition du grand public. J'en ai toute une série que j'ai achetés sans même savoir bien comment les utiliser, juste pour la possibilité qu'ils m'offrent, un jour, peut-être...

Et on n'oubliera pas non plus ces choses prêtes à tomber en désuétude : gommes, règles, taille-crayon, effaceur, coupe-papier, trace-lettres, tampons, et j'en passe.  Sous le règne de l'ordinateur, ne tendent plus à persister que le trombone, les ciseaux, le scotch et l'agrafeuse (et même l'agrafeuse sans agrafe !), alors que la papeterie est tellement riche en outils.

Comme un clavier semble pauvre en comparaison.

Un excellent article du Monde, paru en 2014 : Le stylo n'a pas dit son dernier mot accessible aux abonnés du journal.